IKEDA SAKI  

MON HISTOIRE

Yui Ikeda était l'une de ces femmes qui "ont du charme", selon les dires des hommes, une femme capable de renverser les cœurs et faire chavirer les foules. Son style était unique, la foule pouvait voir le souffle la traversant alors qu'elle faisait bouger son corps et qu'elle virevoltait sous les applaudissements. Il ne s'agissait en rien de danses traditionnelles ni des gestes élégants et appliqués des Geishas, encore moins des ces mouvements stricts qu'on apprenait à produire pour le plaisir des plus hautes cours, non, très loin de là. C'était une danse rythmée, presque sauvage, une danse des rues, qu'elle produisait sous la lueur de la lune et des étoiles. Elle était si belle et hypnotique, ainsi, qu'on l'avait surnommée la danseuse des étoiles. Artiste des plus grandes villes, qu'on n'enfermait pas dans une case, et qui ne se laissait pas enfermer. Née dans une famille très pauvre, sans papiers ni droits civiques, elle vivait de ses danses et de sa musique, librement.

A ses vingt-quatre ans, Yui donna naissance à sa fille, qu'elle nomma Saki. Personne ne sut jamais qui était le père et la danseuse refusa à quiconque le droit de savoir. Aventure d'un soir, relation secrète, nul ne le sut jamais, pas même la petite Saki. Elle fut élevée par sa mère et la suivit absolument partout, la regardant lors de ses spectacles et y prenant vite goût, commença elle aussi à apprendre comment bouger son corps de la même façon. Sa mère lui inculqua des valeurs solides, sur la vie. Ne laisse personne t'enfermer ou te réduire à une seule image, sois libre de tes choix et de tes sentiments, vis ton existence en la croquant à pleines dents et ne laisse pas les difficultés de la vie ternir ton esprit ou te vieillir avant l'heure. Danse, surtout, danse comme si ta vie en dépendait. Saki apprit à jouer d'un bon nombre d'instruments, elle apprit comment s'habiller et se faire belle avant une danse, elle apprit à se mouvoir, de toutes les manières possibles.

Certains les voyaient comme des prostituées, d'autres comme de vulgaires saltimbanques, Saki apprit aussi à passer au-dessus des critiques et à vivre sa vie. Elle se produisit pour la première seule à quinze ans, profitant d'un charme encore enfantin, où perçaient des allures de jeune femme. Guidée par sa mère, elle trouva ses premiers "contrats", se produisant durant les fêtes ou lors de mariages, ou bien en privé devant un public bien plus restreint. Elle avait dix-huit ans lorsqu'elle connut la première horreur de sa vie. Après une prestation devant un petit groupe d'hommes, l'un d'eux la prit à partie avant qu'elle ne quitte les lieux. Il la frappa puis la viola, avant de la jeter dehors comme un déchet, ce qu'elle était d'ailleurs à ses yeux. Sans sa mère, Saki aurait sûrement succombé à la tentation du suicide, à la fois pour la honte, pour son honneur souillée, et pour la douleur d'avoir ainsi perdu sa virginité. Il lui fallut du temps avant d'enfin relever la tête et de poursuivre sa vie. Sa mère, sa seule famille, lui tint la main durant tout ce temps, se privant souvent de manger pour pouvoir nourrir sa fille, comme elle le faisait avant que Saki ne vole de ses propres ailes.

Une fois remise, Saki reprit sa carrière. Elle dansait, chantait, jouait de divers instruments, désormais bien plus méfiante envers les hommes mais aussi portée par une envie presque féroce de prouver à tous que, même s'ils la méprisaient, elle portait une chose qu'ils ne pouvaient qu'observer sans jamais atteindre. Grâce à son corps, à sa voix, elle avait la capacité de faire rêver et transporter dans un autre monde. Ils pouvaient l'attaquer ou lui cracher dessus, la flamme qu'allumaient les artistes étaient hors de leur portée et de leur vision étroite du monde. Ils ne pouvaient pas l'allumer eux-mêmes, car ils méprisaient les artistes. Elle était forte de cela, de ce flambeau qu'elle contribuait à renforcer, et ce qui lui permit d'avancer.

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